« C’est la dernière rencontre à 3 qui clôt le coaching de ce DG de site. Le président est là : pas facile avec son agenda de ministre. Ces deux-là ont du vécu ensemble et un bel entre nous. La parole est libre, suffisamment pour que le coaché ose un « au fait ma femme vous remercie. Elle a trouvé un autre homme sans avoir à chercher ailleurs : j’ai changé grâce au coaching ».

Le président devient rêveur. Il y’aurait-il là une solution à certaines de ses préoccupations conjugo entrepreneuriales ? Une femme de patron m’a confié un jour que pour elle, l’entreprise de son mari était comme une maîtresse, à lui prendre la tête, le cœur, le temps … Et souvent ça coûte aussi cher.

Et là le coach panique un peu. C’est quoi cet aboutissement ? Ce ne sont pas les résultats attendus … Il repasse en vitesse le film du coaching : est-ce que tout est bien là ?

Voyons ! Nous avons travaillé sur des situations très professionnelles : faire entendre à un jeune cadre que c’est aussi de lui que dépend la possibilité que d’autres ont, même plus âgés, à dépasser le blocage du conflit interpersonnel, trouver comment un manager peut déléguer pour faire travailler sur les solutions au lieu de les donner, pour éviter de se transformer en goulot d’étranglement, en thrombose de la résolution à chaque difficulté dans l’entreprise.

Nous avons progressé dans cette bonne distance : tour à tour oser s’avancer et s’exposer avec courage pour assumer ce que la communauté de travail attend de son leader pour d’autres fois se taire, se reculer et laisser les autres grandir.

L’organisation ? Le coaché a souhaité tout mettre à plat. Il l’a démontée pour mieux la structurer, clarifier les zones aveugles de non responsabilités qui le tiraient vers le bas et le forçaient à agir à la place des personnes les plus qualifiées mais non désignées.

Nous ne nous sommes pas égarés dans le champ de la thérapie, du conseil conjugal, de la confidence intime financés par l’employeur. La posture n’a pas dérapé vers l’imposture du je me mêle de tout, l’envie de toute puissance qui peut saisir le coach et lui faire perdre la bonne distance justement. Non je ne vois pas … Et ça c’est inquiétant pour un coach quand il ne voit pas. Sans vision malgré la supervision !

Et si … Et si le coaché s’était servi tout seul ? Et si il avait su profiter de son travail autrement, en tirer des fruits pour d’autres interactions. Et si il n’y avait pas de cloisons étanches entre le manager, le conjoint, le parent, tout ce qui fait de nous des hommes ou des femmes.

Bon. Je m’incline. Je n’y suis pour rien. Je regarde avec admiration – et un peu d’envie – ce coaché qui a si bien su tirer parti du travail de quelques semaines.

Faut que je pense à me trouver un coach. »

 

Philippe Paldacci