Le Patron Libellule

Affubler un dirigeant d’un allégorique qualificatif de libellule … ce libelle est une lubie allez-vous dire ! Que je vous dise en un battement d’ailes ce qui nourrit la comparaison.

D’abord ce n’est pas n’importe quel dirigeant. C’est celui qui emmène une organisation petite ou moyenne, une vaillante entreprise opérationnelle et réactive. Il a une liste d’enjeux sous le coude à n’en plus finir et qui ne cesse de s’allonger et de se transformer : il recrute une personne clé par-là, il a par-ci une cohorte de stake holders de tout poil à caresser dans le bon sens, il se sépare d’un collaborateur fidèle d’entre tous ses collaborateurs fidèles …

Il doit rassurer, alerter, faire bouger. Quelques dossiers chauds dans différentes juridictions, depuis les prudhommes jusqu’à la commission des fraudes. Un business rétif avec des produits menacés, à rendre les clients paranoïaques. Un corporate insomniaque qui lui dit ses 4 vérités tous les 4 matins. Allez ! On rajoute la refonte d’un système d’information car il y’en a toujours une qui pointe le nez …

Il évolue en terrain marécageux comme une libellule affairée contre vents et marées. Et, comme ce bel insecte, il a endossé une carapace en titane à l’épreuve des coups. Il avale les « to do » listes, dort peu et veille beaucoup. Il se plonge avec frénésie dans une hyper activité qui force l’admiration de toutes les bestioles de la ruche. Il s’éreinte et se grise …

Mais … S’il est partout, il n’est jamais là. Il veille à tout et craint de ne s’occuper de rien. Il ne sait où donner des antennes et choisit de foncer sur tout ce qui bouge encore. Alors sans crier gare il tape dans le dur ! Il prend tout à coup en main le dossier qui était sur les bras d’un gros bousier consciencieusement ronronnant. Ou il en déleste une guêpe piquante spécialisée dans la détection de problèmes à venir et d’obstacles qu’il faut clamer haut et fort – à croire que, sans elle, personne d’autre ne les verrait arriver – . Bousiers, guêpes et autres diptères en ont les pattes coupées. Ils récriminent : « c’est du micro management … on ne nous fait pas confiance ! »

Mais … Il n’a pas le choix, demain ça ira mieux. Il cherche ses bras droits alors qu’il ne voit plus que des manchots autour de lui. Il use d’expédients dont, pourquoi pas, un team building de son CODIR pour les « embarquer ». Il faut qu’ils comprennent les enjeux et qu’ils soient ses zélés alliés ailés. Comme ça il pourrait encore plus accélérer et se consacrer à ses missions. Lesquelles au fait ?

La libellule est un animal solitaire. Son horizon ne va pas plus loin que le bout d’une mare. Son horloge est calée au jour le jour. Redoutable prédateur, elle n’est pas forcément consciente de la force de ses terribles mandibules ni de l’insensibilité qu’elle a développée à la guerre contre les vicissitudes. Elle vrombit, rapide, et ne cesse de relever les défis qui se présentent pour des combats singuliers sans merci. Faire rêver la ruche avec un futur qui donne envie, s’occuper du bien travailler ensemble des ouvrières … pas son truc. Pas le temps. Et puis, essayez donc d’avoir de l’écoute avec le bruit d’un réacteur de rafale derrière l’épaule!

La fin de l’histoire est souvent la même. La libellule est débarquée, éjectée du système. Elle se retrouve le méat par terre, abasourdie de ce qui vient de lui arriver. Elle ne comprend pas. Elle ne voit pas que sans son départ, c’est toute la communauté de travail qui est menacée, que petit à petit les gens autour d’elle ont cessé de se sentir responsables. Ceux qu’elle prenait pour des manchots sont des alliés qui ont baissé les bras.

Mais … elle en a vu d’autres et si elle ne s’est pas trop consumée, elle repart pour d’autres challenges à relever ! Ca file le bourdon. En tout cas du mauvais coton, vous ne trouvez pas ?

Alors, me direz-vous, touchés par le courage et l’énergie créatrice de cette pauvre libellule – et il y’a de quoi – que faire ? (Déjà, avez-vous pensé au coaching ? Courte-Echelle, 06 62 10 86 51 !). C’est une évidence quand on est à ses côtés dans la bourrasque : ce n’est pas une mince affaire pour le svelte insecte ! Et les  ennemis de la libellule sont si nombreux …

Il y’en a quelques-uns qui méritent plus d’attention que les autres et je vous en propose 2 plus particuliers à ne pas lâcher du regard :

Le 1er « mords-y-l’oeil » s’appelle Isolement. Le patron qui survole un agenda en constante transformation ménagera des temps pour se poser, quasiment sacrés, dédiés à des points individuels avec ses principaux alliés et aux réunions de son équipe rapprochée. Fixés avec des tenons en inox, ou confiés aux griffes d’une assistante incorruptible, ils ne bougeront pas.

Le 2ème s’appelle Faire à la place des autres, surtout quand vous êtes convaincu qu’il n’y’a qu’une bonne façon de s’y prendre : la vôtre. Le chef tenté de se précipiter sur un os qui lui résiste avec l’illusion que ce sera plus vite fait s’il s’en occupe lui-même ne fait que donner la 1ère pelletée au creusage de sa tombe.

« Quoi, direz –vous, seulement 2 ? Quand il y’a une bande de trolls des marais qui se dressent devant nous ? » Qui trop embrasse mal étreint. Et avec les trolls coriaces, je vous invite à une franche accolade du style serre-m’en-5-que-je-t’étouffe. Ces 2 défis-là sont visibles et rentables, pour vous comme pour les vôtres. Ils valent le coup … de poing.