Cette DRH n’en revenait pas. Depuis que le groupe avait élu le coaching au nombre des outils de son arsenal à développer les « hauts potentiels », tous les ambitieux intriguaient dans les couloirs pour se faire prescrire un coaching. « Si on te propose un coaching c’est que tu es identifié comme ressource à potentiel ». Donc : pour être repéré comme un potentiel, obtiens un coaching. La Palice n’eut pas dit mieux. Le coach ici embouche la trompette de la renommée. Il se déguise en bon cosmo-steward ou astro-hôtesse pour vols intergalactiques et met à feu les fusées de la propulsion de carrière des prometteuses étoiles filantes. Coup de pied aux fesses jusqu’à la lune.

Autre contexte, autre DRH. Celui-ci se désole des freins au coaching : « chez nous quand ils se voient proposer un coaching, les gens s’inquiètent. On leur dit qu’ils ont, ou vont avoir un problème ».
Plus grave même : l’évocation d’un coaching fait se profiler à l’horizon nuageux un coup de torchon définitif. Le coach est d’un autre voyage, grimé en batelier du Styx ou autre sirène gorgone qui vous débarquent de l’entreprise le temps de quelques séances en tête à tête. Ils vous font comprendre en douceur ce qui ne vous aurait été jusqu’alors que susurré, suggéré. Metteurs au point sur les i – point final s’entend – ils vous « décoachent » un autre genre de coup de pied aux fesses …

Autre lieu, autres messages. Cette fois c’est du hiérarchique que le coaching parle. Belle multinationale où un manager attentionné et responsable se doit de faire coacher ses collaborateurs. Il lui est également conseillé pour son label de leadership de faire donner une ou deux fois par an un team building. Fort de ces gages de bon pilotage, le patron mandate le coach nounou pour prodiguer une bonne éducation managériale. Le coach en panoplie de gouvernante ou répétiteur, prend la haute main sur quelques solides leçons de maintien,

Peu importe les rumeurs et les clichés diront certains. Tout ça c’est pour la montre. Les 1ers échanges mettront les pendules à l’heure. Car enfin, dès que le coaching commence, quand le coaché s’assoit face au coach, avec qui a-t-il rendez-vous si ce n’est avec lui-même ? Tous les fantasmes vont tomber. Il dira ce qu’il a à dire, entendra ce qu’il a à entendre, quelles que soient la culture et l’entreprise qui sont les siennes. Il a son intégrité et son absolu propres peu sensibles aux on-dit et autres discussions de garçons de machine à café.

Je n’en suis pas sûr pour tout vous dire. D’abord une puce de principe à l’oreille de mon entendement systémique. L’idée d’une non interaction d’un sujet avec son environnement me gratte. Et puis un autre parasite me fait tiquer : l’épreuve de la pratique. Je n’ai pu qu’apprendre et sans cesse revérifier combien l’explicitation des enjeux et l’esprit qui président au lancement et à la clôture d’un coaching en conditionnent la portée et l’efficacité. Ce qu’en partage le manager en 1ère réunion tripartite est le véritable ressort du mécanisme. Un manager complaisant, et le ressort est relâché : le coaching sera mou. Un manager qui débite son discours de façade et le coaching sera mécanique, formel, restera en surface. Si au contraire il exprime de vraies attentes en lien avec de réels besoins, le coaching remonté à bloc donnera lieu à de belles surprises. Pour un peu que le coaché ait également des choses à faire fructifier et ce sera une moisson abondante (Avez-vous pensé au coaching ? Appelez Courte Echelle – 06 62 10 86 51).

Reste qu’il n’y a pas grand-chose pour contrecarrer les rumeurs et les apparences qui peuvent faire obstacles au coaching. Rien de décisif en tout cas qui puisse changer le signifiant, la crainte, la réputation amalgamés dans un environnement au mot de « coaching ». Ce sont plutôt par les éléments factuels, judicieusement soulignés et gentiment éclairés qu’avec le temps la couleur associée au coaching petit à petit se nuancera.

Ce n’est pas dire que rien ne peut être fait. Le coach vigoureux ne se laissant pas abattre déploiera tous ses efforts pour que soient articulés les attentes, enjeux et les objectifs du coaching. Il veillera à créer les conditions favorables au dire et à l’entendre, au-delà de ce qui est convenu.

Tout ne peut jamais être dit. La vérité est rarement nue dans le mode professionnel Mais plus on se dépouille des colifichets, des vêtures et des faux semblants plus on s’en approche. Le bal est bel et bien costumé, mais rien n’empêche de se parler. Les vénitiens vous diront que c’est parfois même plus facile de se découvrir à l’abri son masque.